Un goût d'éternité 6e partie : Otto : 1957 (3).

 

2 octobre 1957, 6 heures 45 du matin.

Le corps du sénateur York fut découvert par sa maîtresse vers minuit onze. La jeune femme, s’inquiétant du retard incompréhensible de son amant, avait alors tenté de lui téléphoner à plusieurs reprises. Mais comme personne ne lui répondait, elle avait décidé de se rendre chez son cher Robert. Comme elle possédait une clef, elle s’était introduite sans difficultés chez le politicien et là, avait vu le désordre occasionné par la première attaque subie par le sénateur. Lorsque Deborah pénétra dans la salle de bains, elle vit enfin le corps dépourvu de vie du malheureux et là, poussa un cri de pure terreur. 

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La suite coulait de source. La police, alertée, mit au courant Otto von Möll et son ami Stephen Mac Garnett. L’ex-baron s’empressa de prendre le premier avion en partance pour la Grosse Pomme.

Ce fut ainsi, qu’au petit matin, Otto, Stephen et Wladimir, descendant d’un taxi jaune, marchèrent d’un pas vif dans les couloirs de la morgue municipale afin de reconnaître la dépouille du malheureux Robert Fitzgerald York. Lorsque cette tâche ingrate fut accomplie, les trois hommes se retrouvèrent dans un bar en train de boire une tasse de café bien fort et de discuter sur les mesures à prendre pour se protéger des tueurs.

La première chose qui vint à l’esprit d’Otto, ce fut que les assassins appartenaient aux services secrets soviétiques. Là, le chercheur ne se trompait guère. Puis, les trois amis explorèrent une piste encore plus improbable, celle de tueurs agissant depuis le… futur. Mais Wladimir et Stephen objectèrent que ce scénario ne tenait pas la route… 

 Richard Sorge

 

*****

 

Or, l’assassin de Robert Fitzgerald York, ledit Xaxercos, avait passé une nuit paisible dans une chambre d’hôtel des plus luxueuses à New York. Excusez du peu, il avait pu descendre dans un palace sis sur la 5ème Avenue ! Se réveillant et s’étirant, il entra alors en contact avec son maître, Johann van der Zelden, par-delà le temps et l’espace.

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- Maître, selon vos ordres, je me suis mis au service de Pierre Duval. Comme vous le savez sans doute déjà, le sénateur a été éliminé. Moi, je n’ai pas échoué. Que dois-je faire désormais ?

L’Ennemi, qui prenait son petit-déjeuner composé d’un verre de jus d’orange, de vraies oranges pressées et non cet ersatz reconstitué qui était une véritable horreur, de toasts beurrés, d’œufs au bacon, d’un bol de caviar et d’une cafetière pleine d’un café noir millésimé, répliqua sur un ton ennuyé :

- Hum… je crois en effet que Pierre Duval connaît quelques difficultés. Vous devez continuer à agir selon mes dernières instructions. De toute manière, c’est à moi que vous devez rendre des comptes. L’heure est maintenant venue de vous occuper de Stephen Mac Garnett. Tout comme moi, vous savez et la date de sa mort et son moyen d’exécution. A vous de faire en sorte que le passé concorde avec le présent. Vous avez toute ma confiance, Xaxercos.

- Oui, maître, répondit avec enthousiasme l’homme synthétique. J’apprécie votre humour. Je vous obéis avec joie.

Ayant coupé la communication, Xaxercos s’empressa de commander un petit-déjeuner substantiel afin d’être au mieux de ses capacités avant d’accomplir son œuvre de mort.

 

*****

 

Otto, Wladimir et Stephen quittèrent New York en fin de matinée et rejoignirent Detroit. Puis, ils se rendirent jusque dans l’appartement de l’archéologue. A vrai dire, le chercheur et Belkovsky ne voulaient pas laisser seul leur ami.

La conversation entamée le matin reprit donc de plus belle.

- Cette fois-ci, les tueurs ont bel et bien atteint leur cible, soupira Otto avec une rage contenue. Les espions sont partout. Assurément, ils nous traquent et peuvent nous abattre à tout moment.

- Mais qui veut nous tuer ? Lança Wladimir au bord de la panique. Dans l’avion, j’avais l’impression d’être tout le temps observé.

- Je répète que je n’en suis pas sûr. Cela peut être aussi bien les Russes que les hommes du futur. Il va donc nous falloir prendre des mesures draconiennes.

- Que nous le voulions ou non, nous sommes effectivement tous menacés, enchaîna Stephen.

- Franz est dans l’impossibilité de se déplacer, rajouta l’ex-Allemand. Stephen, tu as été le seul à ne pas avoir subi d’attaque hier.

- J’ignore pourquoi, Otto. Tu viens de dire que nous étions tous en danger.

- Je sais.

- Euh… je dois vous avouer quelque chose, commença Wladimir. J’ai peur de rester seul chez moi…

- Il en va de même pour moi, fit Otto sourdement.

- Pareillement, hocha la tête Stephen. Je suis secoué par tous ces événements.

- Hum, reprit l’ex-baron. Il me semble qu’à nous trois, nous aurions moins peur… que nous pourrions nous protéger mutuellement… qu’en pensez-vous ?

- Je ne sais pas, marmonna Wladimir.

- Tous trois réunis, nous formons assurément une cible facile, non ?

- Stephen, acceptes-tu de nous loger chez toi durant les prochains jours ? Hasarda Otto.

- Ah ? Tu crois donc qu’ici, nous risquerions moins ? Remarque, la police fédérale ne fera certainement aucune objection à assurer notre protection.

Wladimir n’était pas d’accord avec cette idée. Il interrompit Stephen.

- Croyez-vous véritablement tous les deux que le FBI acceptera de pourvoir à notre sécurité ? lorsque nous avons informé la police du comté de la mort de Robert, l’officier sur lequel nous sommes tombés nous a bien fait comprendre qu’il croyait notre défunt ami mouillé jusqu’au cou dans une vilaine affaire bien frauduleuse… oui, le FBI va s’intéresser à nous, c’est évident… mais en tant que suspects potentiels… notre arrestation n’est plus qu’une question d’heures. 

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- Quel pessimisme, Wladimir ! Jeta Otto. Toutefois, si la police fédérale a l’idée de nous mettre en état d’arrestation, cela m’étonnerait que ceux qui veulent nous tuer parviennent désormais à leur fin. En attendant, le FBI doit nous protéger, c’est là son rôle. Nous sommes de bons citoyens américains et nous payons rubis sur l’ongle de lourds impôts.

Soudain, le téléphone sonna, une sonnerie aigrelette qui fit sursauter nos trois amis. L’archéologue décrocha l’appareil et ensuite donna l’écouteur à von Möll. Ainsi, l’avionneur fut informé que l’une des annexes de son usine aéronautique était désormais la proie des flammes.

- Quelle poisse ! Ce sont encore ces salauds qui sont à l’œuvre, gronda Otto. Monsieur van Abel, je viens au plus vite, dit-il ensuite à son employé.

Raccrochant d’un geste brusque le téléphone, il se leva de son siège, ayant manifestement oublié sa précédente résolution de ne plus rester seul.

- Tu vas seul là-bas, à ton usine, s’étonna à juste titre Stephen. Mais c’est de la folie !

- J’ai un pistolet automatique, Stephen. Je sais m’en servir, ou à peu près.

- Je t’accompagne, Otto, fit alors Wladimir. Ne me refuse pas.

- Non, bien sûr. Stephen, sois attentif. Pendant notre absence, n’ouvre à personne, pas même à la police ou au FBI. Ces salopards ont pu très bien contrefaire les badges officiels.

- Compris. Je saurai me montrer prudent. A Bientôt. Revenez au plus vite.

Après une chaleureuse poignée de mains, l’avionneur et le musicien montèrent dans la berline d’Otto. Moins de trois quarts d’heures plus tard, les deux hommes étaient rendus sur les lieux du sinistre, dans une autre banlieue de Detroit.

L’ex-baron ne put que constater avec amertume que les pompiers étaient intervenus assez tardivement sur le sinistre. Désormais, il ne restait plus de son usine que les carcasses noircies des bâtiments.

Or, tandis que von Möll et Belkovsky prenaient de visu l’ampleur des dégâts, un inconnu, de taille élevée, s’approchait d’Otto et l’interpellait. Lorsque l’individu parla, Wladimir redressa la tête et se mit à l’observer avec la plus grande attention.

- Fichtre ! On peut dire que les dégâts sont lourds… Il y en a au moins pour un million de dollars.

- Possible, répondit mister Möll, la mine soucieuse. Il faut établir le bilan. Vous êtes un inspecteur de police, monsieur ?

L’inconnu ne répondit pas mais fit un signe rapide. Deux hommes s’approchèrent alors, comme semblant surgir du néant. Il s’agissait d’un individu revêtu de l’uniforme de pompier et d’un type chauve portant un complet noir à la coupe impeccable. Les deux nouveaux arrivants avaient glissé leur main droite dans la poche de leurs habits. Visiblement, ils étaient armés, ce que comprirent aussitôt Wladimir et Otto.

Zut ! Emit ce dernier. Un piège…

- Messieurs, sourit aimablement le premier personnage, vous allez monter sans faire d’histoire dans votre véhicule. Je m’installerai à vos côtés. Puis, vous suivrez la voiture de mes compagnons. Au préalable, vous allez être fouillés. Pas de geste inconsidéré. Mes aides sont armés de pistolets automatiques munis de silencieux et, moi-même, j’ai, dissimulé sous mon veston, une merveille de petit fusil mitrailleur, une kalachnikov. 

 Image illustrative de l'article AK-47

- Vous êtes des Russes, cracha Wladimir avec une haine soudaine.

-Tss… Tss. Silence !

Le musicien et l’avionneur furent donc fouillés, débarrassés de leurs armes. Avec docilité, ils obéirent ensuite à l’inconnu et grimpèrent dans la berline d’Otto, accompagnés par leur redoutable gardien. Après un peu plus d’une heure de trajet sur des routes désertes, les deux lourds véhicules, de grosses américaines, débouchèrent dans la cour d’une ferme abandonnée.

 

*****

 

18 heures 31.

Pendant ce temps, l’archéologue Stephen Mac Garnett recevait la visite de deux officiers de police qui le conduisirent auprès de leur supérieur afin d’obtenir des éclaircissements sur cette affaire compliquée. Or, Stephen avait promis de ne pas ouvrir, mais il dut obtempérer aux forces de l’ordre car les deux flics avaient menacé d’enfoncer la porte d’entrée du domicile de mister Mac Garnett.

Toutefois, l’archéologue put passer un coup de fil à son secrétaire d’origine française, un dénommé Paul Delcourt, afin qu’il vînt garder son domicile. Celui-ci s’en vint donc jusque dans l’appartement. Il avait les clés et ne rencontra aucun obstacle à ouvrir la porte.

Paul profita d’être sur les lieux afin de rédiger sur la machine à écrire de son patron une lettre adressée à l’Institut Royal de la Recherche Scientifique Belge.

Or, à 19 heures 36, un jeune garçon sportif et à la mine éveillée, vêtu d’un short bleu roi et coiffé d’une casquette de la même teinte, sans doute un livreur de la poste, sonna au domicile de l’archéologue. Il portait dans une sacoche un colis enveloppé de papier kraft. 

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En toute logique, lorsqu’il entendit la sonnette retentir à la porte d’entrée, Delcourt vint ouvrir sans méfiance. Le livreur lui remit ledit colis en l’informant qu’il venait du Mexique. Du Yucatán plus précisément.

- Ah ! C’est le colis que mister Mac Garnett attendait expressément, fit le secrétaire avec un large sourire. Tant mieux !

Sans méfiance aucune, Paul Delcourt signa le bon de remise et donna une gratification au coursier. Puis, une fois seul dans l’appartement, le secrétaire commença par enlever le papier kraft. Il voulait s’assurer du contenu de l’envoi, voir s’il était bien conforme à ce que Stephen Mac Garnett espérait. Sur la boîte en carton, il trouva un mot signé d’un ami de son patron, un certain Raul Jiménez, qui fouillait le site de Chichen Itza. La lettre informait du contenu du colis : quelques fragments de poterie ainsi qu’une petite statuette représentant le dieu de la pluie Tlaloc. 

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Alors, ne voulant pas davantage se montrer indiscret, Paul renonça à aller plus loin dans sa fouille du paquet. Ensuite, il abandonna le colis sur une console de style regency. 

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- Bien. Monsieur se chargera lui-même du contenu, marmonna-t-il en français.

Pendant ce temps, le jeune livreur était remonté sur son vélo. Un homme de forte corpulence sortit alors de l’ombre et s’approchant, tapota avec satisfaction l’épaule du coursier.

- Très bien, petit. Je suis content de toi. Tu as gagné tes dix dollars.

L’individu en question n’était autre que Xaxercos. Il se hâta de donner la gratification promise à l’innocent étudiant qui arrondissait ainsi ses fins de mois en turbinant à mi-temps pour la poste.

 

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