Un goût d'éternité 6e partie : Otto : 1956 (2).

 

Au fait, si vous vous faites du souci pour le chat Sonntag, sachez qu’il n’avait pas été laissé seul à Detroit. Les von Hauerstadt avaient décidé d’un commun accord de le mettre en pension chez Mathilde de Malicourt jusqu’à la fin de leur séjour en Suisse. Granny avait approuvé et reçu l’animal familier de son petit-fils avec la plus grande joie. Ainsi, elle avait auprès d’elle un peu de son descendant préféré. 

 Chat noir et blanc.

*****

Le 14 mai 1955, le Pacte de Varsovie était signé. Les chaînes américaines telles ABC et CBS en firent leurs choux gras. Apprenant la nouvelle devant son poste de télévision, O’Gready piqua une colère homérique. Sous l’émotion, il brisa son verre de scotch et, éprouvant le besoin d’évacuer sa rage, il téléphona illico à une des hautes pontes du Pentagone. Son entretien téléphonique dura une bonne heure. Notre colonel y déversa longuement sa haine des Reds et ses récriminations quant à un supposé laxisme des autorités militaires de son pays. 

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Pendant ce temps, Otto Möll avait bien d’autres soucis. En effet, son fils cadet, désormais indécrottable baroudeur, était reparti, mais, cette-fois-ci pour la Terre de Feu. Pris plus que jamais par le démon de l’aventure, Archibald avait froidement déclaré à son paternel qu’il voulait vivre durant un an, voire plus, comme les autochtones de la contrée.

- Oui, père, je veux connaître l’existence rude, simple et authentique des Indigènes de la Patagonie. Bien évidemment, vous ne comprenez pas cela.

- Mais si, Archibald, je veux faire un effort et me mettre à ta place… cependant…

- Cependant, père, vous me regardez comme si j’étais un fou criminel. Vous réagissez comme un bourgeois, un… vieux schnock !

- Archibald ! se récria le quinquagénaire.

- J’ai raison. Vous avez oublié depuis belle lurette votre jeunesse aventureuse, mais jamais vous ne l’admettrez.

- Archibald, puisque cela te démange de partir, eh bien, pars… de toute manière, je n’ai jamais pu te retenir. Alors… bon vent ! Essaie de m’écrite de temps en temps…

- J’essaierai.

Ce fut là l’adieu d’Archibald Möll à son géniteur. Décidément, ces deux-là ne s’étaient jamais compris et ne se comprendraient jamais.

En cette même année 1955, le dessinateur belge Edgar Pierre Jacobs commençait une nouvelle histoire de la série Blake et Mortimer intitulée l’Enigme de l’Atlantide. Pour les afficionados, elle allait faire date.

 

*****

 

Chicago, un jour d’été torride de cette année charnière de notre histoire.

Sur la terrasse d’un gratte-ciel aménagé en jardin suspendu, mais cela n’amoindrissait pas la chaleur moite ambiante, trois hommes discutaient. Il s’agissait du jeune Richard van der Zelden, revenu de sa lune de miel, de Georges Athanocrassos et de Xaxercos sous sa fausse identité de secrétaire particulier du richissime banquier et homme d’affaires d’origine grecque. Georges faisait entendre sa volonté sur un ton presque sec. 

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- Nous sommes donc bien d’accord, mon cher Richard. La firme d’armements dont je suis le principal actionnaire et dont vous êtes une des personnalités importantes, vous comptez parmi ses décideurs les plus prometteurs, livrera les armes commandées prévues à l’Egypte et à la Syrie.

- Oui, monsieur Athanocrassos, répondit docilement Richard. Mais… ce Nasser, il me semble bien qu’il veuille rompre l’alliance plus ou moins tacite qui le lie à notre pays.

- Des rumeurs sans fondement ! Le contrat signé sera honoré, je n’en doute pas le moins du monde. Les sommes importantes en jeu me laissent envisager des bénéfices plus que conséquents. Obéissez à mes ordres et je verrai de vous confier un poste encore plus intéressant.

- Monsieur Athanocrassos, reprit Richard, je vous le répète, ce Nasser ne m’inspire aucune confiance. Je me demande si nous avons eu raison d’entrer en contact avec lui et de négocier ce contrat. En insistant, je pense que nous sommes en train de trahir les intérêts géostratégiques des Etats-Unis. Nous aurions peut-être dû vendre nos armes à l’Etat d’Israël.

Sur un ton sans réplique, Georges lança :

- Richard, vous commettez une grave erreur ! Oubliez-vous que, nous autres, industriels, entrepreneurs et banquiers, n’avons rien à faire de ce sot patriotisme ? Nous n’avons pas de patrie, ou plutôt si ! L’argent… Nasser est un dirigeant ambitieux. Cela je le conçois parfaitement. Or, nous avons besoin de cet ambitieux-là. Le Raïs envisage de faire de l’Egypte la première puissance du monde arabe. Il y parviendra, je vous le dis, mais avec notre aide. De plus, notre Président actuel n’est pas hostile à aider financièrement le chef d’Etat égyptien. 

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- Oui, monsieur Athanocrassos, reconnut humblement Richard van der Zelden. Je ne connais pas grand-chose à la politique. Je m’en remets donc à vous.

A cet instant de la conversation, le secrétaire choisit de s’en mêler.

- Monsieur Richard, vous faites bien de vous en rapporter à monsieur. Il ne se trompe jamais. Il a un flair pour les affaires et la haute finance, un flair qui tient du prodige.

La chose réglée, Athanocrassos, accompagné par Xaxercos, se retira afin de téléphoner à un de ses amis. Richard, désormais seul sur la terrasse ensoleillée, marmonnait.

- C’est égal. Malgré tout, le doute persiste. Le secrétaire de mon patron m’est antipathique au possible. Mais j’ignore pourquoi sa figure me déplaît. Chaque fois qu’il m’adresse la parole, je me sens sans volonté, j’accepte alors toutes les propositions de monsieur Athanocrassos bien qu’elles aillent à l’encontre de ma morale. Ah ! Comme je regrette de ne pas avoir la force de caractère de mon défunt père… Hélas ! David n’est plus là pour me conseiller, me donner le bon exemple.

 

*****

An 40 120 environ, disons à la louche…

A la surface d’une Terre morne, comme morte, une Terre en négatif, sur ciel blanc, laiteux et trouble, se détache une immense boule noire, une sphère creuse d’une taille gigantesque, surdimensionnée. C’est là la véritable apparence du Commandeur Suprême. La créature émet d’inaudibles et incompréhensibles vibrations. Oui, elle vit et pense, elle réfléchit et anticipe. Elle enregistre des données et encore des données. 

 Description de cette image, également commentée ci-après

Parfaitement lisse, l’effrayant objet ne laisse rien saillir à sa surface parfaite. Toutefois la sphère est entourée d’un halo de nuit fluorescent, ce qui montre bien que jamais elle ne cesse son travail. Elle emmagasine à l’infini, elle code, elle classe, elle fragmente son disque dur, elle transmet et elle… ordonne.

Mais que reçoit-elle, cette sphère qui, désormais, outrepasse la tâche pour laquelle elle a été conçue ? Les informations, toutes les informations, l’Information par excellence de tous les passés de la Terre, de ceux qui furent, de ceux qui n’existèrent qu’un bref instant, de ceux qui ne furent qu’un rêve, une probabilité, une potentialité vite effacée. Oui, l’Information sous la forme d’impulsions électroniques, d’échanges électriques, de fulgurances lumineuses… car, à l’intérieur de l’effroyable appareil, des éclairs s’entrecroisent, s’interpénètrent, se heurtent et explosent, toujours et encore…

La Sphère se tient là, omniprésente, apparemment la seule intelligence vivante. Elle défie le temps, les siècles qui ne font que glisser sur sa surface. Elle contrôle le Temps, elle le manipule et cet immense pouvoir fait d’elle une redoutable Entité. Une faille vient de se produire dans sa programmation. Des clapets de sécurités sautent… pourtant, ses concepteurs croyaient avoir tout prévu, le moindre incident, la plus petite surchauffe… mais… désormais, il est trop tard…

Le Commandeur Suprême a déjà entamé sa marche vers la rébellion, vers la schizophrénie…

 

*****

 

En cet été 1955, Otto Möll faisait la rencontre de Giacomo Perretti, le journaliste philosophe. Les deux hommes séjournaient à Skopje, une petite ville de l’Adriatique. Tous deux étaient descendus dans le même hôtel et il était donc inévitable que le Germano-Américain et l’Italien se croisassent.

Otto, qui avait entendu le réceptionniste à l’accueil prononcer le nom du journaliste, prit sur lui d’aborder le reporter.

Attablés sans façon devant un verre de bière, Giacomo et l’ex-baron entamèrent alors une conversation concernant les problèmes posés par les recherches menées par le chevalier d’origine napolitaine Antonio della Chiesa. Perretti reconnut à demi-mot que l’homme des Lumières avait réussi à gagner le Tibet.

L’ex-baron von Möll se fit plus qu’insistant les jours qui suivirent. Il n’y avait pas une matinée ou une soirée où il n’abordait pas le journaliste romain, revenant sans cesse à la charge.

Alors, assez excédé, Giacomo lui dit devant un repas léger que les deux hommes prenaient ensemble :

-Monsieur Möll que me voulez-vous vraiment ?

- Compris, monsieur Perretti. Inutile de tergiverser davantage, répondit le Germano-Américain avec un sourire. Le mystère du chevalier Antonio della Chiesa me passionne tout autant que vous, peut-être même davantage. Ses écrits ouvrent une porte qui peut conduire à une sorte d’immortalité. Par votre métier, vous êtes amené à voyager bien plus souvent que mes propres affaires m’y autorisent. Je vais vous faire une offre, une offre sérieuse qu’il vous sera difficile de refuser.

- Ah oui ? Laquelle donc ? lança l’Italien sceptique.

- La voici. Je suis prêt à financer votre voyage jusqu’à Lhassa, la capitale du Tibet où, là-bas, vous pourrez avoir accès aux mêmes sources que della Chiesa en son temps. 

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- Mais enfin, monsieur Möll, se récria Giacomo. Je ne vous connais que depuis une semaine tout au plus… toutefois, je reconnais que votre réputation dans les milieux pacifistes est un bon point pour vous.  Il en va de même dans l’industrie aéronautique. Cependant, vous me gênez. Il n’est pas question que j’accepte votre offre, aussi généreuse soit elle.

- Pourquoi donc ?

- Eh bien, comment dire ? Non pas que je n’aie pas confiance en vous, loin de là… mais puis-je penser la même chose de vos amis ? En effet, derrière votre personne, qui y a-t-il ? pas le gouvernement américain… de cela, j’en suis presque certain… non plus l’armée des Etats-Unis. Mais quelle officine secrète ? Quelle agence manipulée par une des puissances des pays de l’Est ?

- Monsieur, vos soupçons n’ont pas lieu d’être, je vous le jure. Derrière moi, il n’y a que toute l’association pacifiste que j’ai fondée il y a déjà fort longtemps. Et quelques amis sûrs.

Assez fâché, Otto faillit avaler de travers sa bouchée d’escalope de veau à la milanaise.

- Monsieur Möll, lança Giacomo, dans votre fameuse association, il y a aussi, ce me semble un colonel de l’armée américaine. Un colonel non pas retraité mais toujours en service actif. Ce que je crains, vous l’avez compris. Si notre savoir et notre technique actuels parvenaient à concrétiser les théories de Fra Vincenzo et de della Chiesa, ce n’est pas un nouvel âge d’or que vous offririez à l’humanité mais tous les maux contenus dans la boîte de Pandore ! Or, notre pauvre monde a bien assez à faire aujourd’hui avec la bombe atomique.

- Vos réflexions recouvrent les miennes, monsieur Perretti. Ne doutez pas de moi. Je me suis juré de lutter jusqu’au bout pour la paix, pour qu’il n’y ait plus jamais ni d’Hiroshima ni de Nagasaki. Contrôler le temps, n’est-ce pas en réalité effacer toutes les erreurs commises par l’humanité justement ?

- Hem… à condition que ce contrôle soit entre les mains de gens sensés et non pas entre celles de va-t-en-guerre. Je ne vous garantis rien de plus que le fait que je vais réfléchir à votre proposition, monsieur Möll. Vous aurez ma réponse dans quelques jours.

- Ne tardez pas trop. Je ne puis m’éterniser en Italie. Mon entreprise a besoin de moi.

 

*****

 

Au début de l’année 1956, en France, Guy Mollet et Mendès France, soutenant le Front républicain, parvenaient au pouvoir après des élections législatives. 

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12 janvier 1956, Venise.

Le journaliste Perretti s’était définitivement rallié au projet d’Otto. Les deux hommes donnaient une conférence de presse importante dans un palais au bord de la lagune, un palais déjà entre vu ailleurs, le Palazzo Loredan. 

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Ladite conférence de presse avait pour sujet le mystère della Chiesa et sa conception particulière du temps au mitan du XVIIIe siècle. La plupart des reporters qui étaient présents dans la salle magnifique et baroque, étaient mandatés par des journaux spécialisés ou en théologie ou en philosophie. De nombreux pays étaient représentés, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Allemagne, la France, l’Italie, la Suède et la Pologne.

Le duc von Hauerstadt ne se trouvait pas à Venise. Sur la trace des manuscrits de Fra Vincenzo, il hantait les archives du monastère de San Pietro dans les Abruzzes dans lequel le moine avait vécu. Pour l’heure, alors qu’il était encore tôt, Franz consultait des codex dans l’immense salle aux voûtes ogivales qui servait de bibliothèque depuis plusieurs siècles. Les livres étaient classés non par thème mais par date et par auteur. 

 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/ed/Francisco_de_Zurbar%C3%A1n_053.jpg

Franz avait dû affronter à la fois l’espèce de latin de cuisine du XVe siècle, mais aussi l’écriture gothique abondamment ornée et enluminée. Cela ne l’avait nullement découragé. S’obstinant, chaussant des lunettes de vue ou encore des loupes grossissantes pour lire, il s’affairait dans un coin de la salle d’archives, entouré de gros volumes en plus ou moins bon état.

L’aube pointait à peine. Le jour gris et sale ne parvenait pas à éclairer suffisamment la bibliothèque. Heureusement, les lampes électriques diffusaient par tache une lumière jaune tandis qu’un vieux poêle en fonte tentait d’assécher l’humidité ambiante et de résorber le froid de janvier.

Bien que la fatigue se fît sentir, Franz voyait sa quête être récompensée. En effet, il était parvenu à déchiffrer enfin un précieux parchemin, toujours rédigé dans ce latin abâtardi du XVe siècle. Alors que le duc clignait des yeux après sa longue nuit blanche, une ombre s’interposa soudainement entre la table sur laquelle reposaient de nombreux volumes et le mur qui faisait face au chercheur amateur. Cette ombre oscillante emprunta une forme humaine et une voix impersonnelle s’éleva, une voix bien timbrée, dépourvue d’accent étranger, s’exprimant en anglais. La vision fit sursauter Franz mais il se reprit rapidement et écouta attentivement l’entité.

- En cet instant précisément, votre ami Otto donne une seconde conférence de presse en compagnie de Giacomo Perretti. Leurs propos à tous deux complètent ce qui a été dit hier. Voyez en direct la réaction des journalistes. Le Palazzo Loredan comme si vous y étiez. C’est assez édifiant.

L’être faisait preuve d’un certain humour et cela n’échappa pas à Franz. Cependant, le mur de la bibliothèque s’était effacé, laissant la place à une salle décorée avec trop de faste, trop de dorures, dans le style chargé du XVIIIe siècle. Ors, velours cramoisis se mêlaient alors que les lustres à pampilles brillaient de mille feux irisés. Une voix que le duc aurait reconnue entre mille achevait une phrase commencée avec un fort accent allemand. Mais Giacomo interrompit Otto Möll et fit :

- Messieurs, nous avons les preuves de ce que nous avançons. Toutefois, je reconnais que l’hypothèse formulée repose sur des écrits encore incomplets. Cependant, nous espérons bientôt pouvoir nous appuyer sur de nouveaux documents qui sont activement recherchés par un autre de nos amis. Otto, maintenant, il est temps, je pense, de conclure. Après tout, vous êtes plus habilité que moi pour le faire car vous êtes un scientifique et non un philosophe.

- Merci, Giacomo, s’inclina Otto. Je ne tiens pas à imposer ce qui va suivre. Messieurs, je dois vous dire, quitte à paraître prétentieux à vos yeux, que l’illustre Albert Einstein n’a fait que frôler l’immense vérité. Je connais personnellement une autre personne qui est allée plus loin dans le raisonnement que mon ancien collègue. Il s’agit là d’un paradigme révolutionnaire. La cosmogonie du père Teilhard de Chardin participe d’ailleurs de cette conception nouvelle dont le chevalier Antonio della Chiesa posa les fondements il y a déjà deux siècles. Le Napolitain, tout à sa quête de la vérité, de la réalité, avait commencé à percevoir l’Univers. Le Temps nous gouverne, vous êtes tous d’accord sur ce précepte ? Le Temps et l’Espace sont étroitement imbriqués. Messieurs, cet espace-temps pourra bientôt être maîtrisé. L’Homme cessera alors d’être un simple fétu de paille emporté par son cours. On pourra renverser la flèche. La théorie de l’Unification des champs n’est pas du tout une fantasmagorie de l’esprit. Elle permet d’intriquer la physique quantique, des particules, à la théorie de la Relativité générale ; c’est cela le Tout. Seulement, pour parvenir aux calculs qui mènent à cette unité, j’entends par là celle de l’électromagnétisme, des ondes sonores et lumineuses de toutes les formes d’énergie, il nous faut réinventer les mathématiques et nous libérer de tous les préjugés qui s’accrochent obstinément à nous. Celui qui sera capable de construire une machine se nourrissant de l’énergie primordiale à la source de l’apparition de l’Univers (unification des quatre forces fondamentales) pourra un jour atteindre Dieu. Messieurs, ne vous récriez pas… 

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Un brouhaha incrédule parcourait les spectateurs et ceux-ci affichaient leurs mines réprobatrices devant les deux amis. Persistant dans son raisonnement, Otto reprit :

- Un jour, l’Homme parlera à Dieu d’égal à égal. Aujourd’hui, qu’est-ce qui fait la supériorité de Dieu par rapport à l’Homme ? C’est son ubiquité. Dieu domine le Néant, Dieu domine l’espace-temps. Est-il ce Temps, cet espace-temps ? un certain Fra Vincenzo l’a cru. Mais Dieu n’est pas que cela.

Sur un ton empli d’animosité, un journaliste jeta :

- Monsieur Möll, vous n’êtes qu’un déiste attardé.

La conférence s’acheva sous les sifflets et les injures.

La scène vénitienne s’effaça brutalement et le mur de la bibliothèque reprit son aspect habituel. L’entité désormais sous sa forme humaine poursuivit :

- Parler de la théorie du Tout à des journalistes dépourvus de toute culture scientifique équivaut à aborder le problème de la corporalité des ondes face à un panel de Marnousiens butés. Au fait, les Marnousiens sont des porcinoïdes originaires du quadrant Bêta de la Galaxie. 

 Description de cette image, également commentée ci-après

Avec un sourire, Franz opina :

- Cela revient à expliquer l’invention de la roue à des Australopithèques…

- Tout à fait. Mais ne vous découragez pas, Franz.

- Je crois que vous êtes le donneur d’ordres dont Antoine Fargeau m’avait parlé jadis.

- C’est exact. Pour l’heure, rappelez à votre ami Otto qu’il ne doit surtout pas divulguer le résultat de vos recherches conjointes. Le temps n’est pas encore venu. Vous pourriez me taxer d’élitisme si je vous disais que la Connaissance ne doit être la récompense que de quelques-uns. L’humanité du milieu du XXe siècle n’est pas prête à recevoir une telle théorie et c’est heureux. Demain, Otto et Giacomo seront la risée de toute la presse et passeront pour des illuminés. Cela m’arrange car ainsi, vous pourrez aboutir dans le plus grand secret.

- Ce n’est pas parce que l’Occident est incrédule que les Soviétiques seraient incapables de calquer leur attitude sur lui, objecta avec raison le duc.

Avec un sourire qui en disait long, Michaël ne répondit pas. Il disparut avant que Franz pût esquisser un geste pour le retenir. L’agent temporel se réduisit à la dissolution d’un nuage d’atomes. Von Hauerstadt regretta de ne pas avoir eu l’occasion de formuler la question qui lui brûlait les lèvres « qui êtes-vous ? ». Il s’accouda sur la lourde table en chêne massif et se mit à réfléchir.

- Cet être qui a communiqué avec moi par un pouvoir qui me dépasse doit être celui qui me protège depuis longtemps déjà. Je ne l’ai même pas remercié. Je doute de son humanité. Il s’exprimait dans un anglais parfait et son regard pétillait de malice. Je le reverrai… peut être en 1959 selon Antoine Fargeau.

 

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