Un goût d'éternité 6e partie : Otto : 1953 (3).

 

Le jour même de l’anniversaire de Franz, s’ouvrit la conférence de Genève sur l’Indochine.

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 Otto effectua un petit voyage d’affaires en France en pleine crise ministérielle résultant de Dien Bien Phû. Apprenant la chute du gouvernement Laniel par la presse,

Illustration.

l’ex-baron von Möll demeura totalement indifférent à cet imbroglio politique hexagonal. Pourtant, la promesse de Mendès France,

 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b7/Pierre_Mend%C3%A8s_France.jpg

 une fois son cabinet constitué, d’obtenir le cessez-le-feu en Indochine avant le 20 juillet ne le laissa pas de glace. Bien qu’il raisonnât désormais en véritable Américain, Otto professait toujours des idées progressistes. Il souhaitait voir vivement comment la France allait se tirer de ce guêpier et décida donc de se rendre à Genève. Dans le taxi le conduisant à Orly, le chercheur et homme d’affaires pensait :

« La France se refuse à l’admettre, mais elle n’est plus qu’une puissance de seconde zone, tout comme la Grande-Bretagne d’ailleurs. A qui l’avenir appartient-il ? Pas à l’URSS tout de même… il est dans la logique de l’histoire que le XXe siècle, dans sa seconde moitié, voie la fin des impérialismes coloniaux. Qui va succéder au Royaume-Uni et à la France ? Le ciel est pour l’heure chargé de lourds et sombres nuages… Pourquoi l’homme ne veut-il pas comprendre qu’il se détruit ? Nous sommes tous les enfants d’une même matrice. Pauvre Terre. Tes rejetons ne te sont même pas reconnaissants ».

Tout entier à ses réflexions philosophiques, von Möll n’avait pas remarqué que son taxi était pris en chasse par une grosse américaine, un Lincoln noire, modèle 1951. Au volant du lourd véhicule, se trouvait Alexandreï Petrov, déjà rencontré autrefois, aux ordres de son supérieur Sergueï Antonovitch Paldomirov.

Comme il se doit, la proie et le chasseur prirent le même avion pour Genève et, ensuite, descendirent dans le même hôtel. Qui plus est, Petrov avait réussi à louer une chambre à proximité de celle de l’ex-baron, au même étage et à deux portes de distance. Profitant d’une absence d’Otto, Alexandreï plaça plusieurs micros dans l’appartement qu’il espionnait, dont l’un camouflé dans le cadre d’une nature morte, tableau accroché au mur face au lit dans lequel dormirait le scientifique. De plus, notre habile espion était parvenu à mettre sur écoute le téléphone d’Otto qui, naturellement, ne se doutait pas le moins du monde de l’attention particulière dont il était l’objet non pas de la part des services secrets officiels soviétiques mais par une antenne un peu spéciale. Ainsi, à chacun des appels téléphoniques, les sbires au service de Sergueï Antonovitch Paldomirov notaient scrupuleusement le contenu des conversations que l’ex-baron avait soit avec ses amis, soit avec des personnes ne faisant pas partie de son cercle intime. Les agents secrets oeuvrant en catimini étaient superbement logés dans une coquette villa sur les bords du Lac Léman.

Otto Möll se réjouissait sincèrement. Il venait tout juste de recevoir une lettre de Bill O’Gready. Ce dernier lui apprenait qu’il avait été une nouvelle fois décoré pour ses hauts faits d’armes en Corée. Mais ce n’était pas tout. Désormais, notre colonel, une promotion amplement méritée selon lui, était muté en France affecté au Shape. 


« Bill, pensa alors Otto avec ironie, je me demande comment tu vas t’en sortir à ton nouveau poste… mon vieil ami, tu devras faire preuve de diplomatie, oui, de beaucoup de diplomatie en tant qu’interlocuteur privilégié des différents pays adhérant à notre OTAN… ».

Petrov, qui s’intéressait de fort près à tout ce qui touchait Von Möll, s’était empressé de lire ladite missive, mettant à profit une absence de l’avionneur. Puis, il avait remis le courrier en place avec un soin méticuleux. Bien malin aurait été celui qui aurait détecté que la lettre avait eu le temps d’être recopiée.

Mais comment le Soviétique avait-il pu pénétrer ainsi dans la chambre d’hôtel louée par notre naïf Otto ? En fait, Petrov avait graissé la patte d’une des femmes de service officiant à l’étage où nichait le Germano-Américain.

Tous les soirs, Alexandreï faisait un rapport circonstancié à ses supérieurs directs. Souventes fois, il se voyait félicité pour son zèle et ses succès.

 

*****

 

Mais la grande Histoire suivait son cours cahin-caha. Ainsi, dans la nuit du 20 au 21 juillet 1954, les Accords de Genève étaient signés, reconnaissant la partition du Vietnam : désormais, il y aurait un Vietnam du Nord, d’obédience communiste, et un Vietnam du Sud, pro-occidental, bientôt sous la coupe des Etats-Unis. 

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Grâce à ses relations au sein de la sphère pacifiste, Otto entrevit Mendès France, le nouveau Président du Conseil français à qui on devait cette paix provisoire. Mieux : notre personnage parvint à glisser à l’homme politique une brochure sur la nécessité d’un autre ordre mondial, sur ce Tiers-Monde qui émergeait. Avec justesse, ladite brochure analysait les risques encourus par les nouvelles nations indépendantes. Evidemment, le baron avait une vision prophétique des choses. Mais son tempérament et ses intuitions n’expliquaient pas tout.

Utilisant les derniers jours de son congé, Otto Von Möll pérégrina dans d’autres pays européens et se rendit en Italie pour distribuer son tract à de multiples organisations pacifistes pas forcément d’obédience communiste. Pour mémoire, il est bon de rappeler que notre homme de science détestait tout ce qui venait de Moscou.

Un journaliste-écrivain plus ou moins philosophe Giacomo Perretti eut entre les mains un des innombrables exemplaires distribués par l’Américain. 

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Or cet Italien dont nous avons entrevu plus ou moins la silhouette auparavant était l’auteur d’ouvrages assez ésotériques concernant les différents concepts du temps à travers les civilisations occidentales et orientales connues.

Coïncidence, mais peut-on évoquer encore ce terme ? Ne Devrait-on pas dire plutôt Synchronicité calculée ? A la même période, Franz Von Hauerstadt s’intéressa aux ouvrages du philosophe et journaliste italien. Avec une curiosité non teintée de passion, il se plongea dans les derniers écrits de Perretti, et plus particulièrement de celui intitulé De la Préhension du Temps dans l’Italie baroque.

Or, ce livre était rédigé dans la langue de Dante et pas encore traduit en anglais ou en français. Cela ne fut pas un obstacle pour le jeune homme. Il profita de cette lecture pour perfectionner son italien ou du moins le rafraîchir quelque peu.    

Avec un certain étonnement, Franz apprit ainsi qu’il avait existé un chevalier napolitain contemporain du souverain français Louis XV qui professait des idées proprement révolutionnaires dans le domaine scientifique. Le dénommé Antonio della Chiesa dont Rodolphe avait assisté malgré lui, par-delà les siècles, à l’assassinat. 

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Selon les recherches de Perretti, della Chiesa se serait inspiré des travaux d’un moine des Abruzzes, un moine qui aurait fini sa piètre existence sous la torture inquisitoriale vers les années 1440. Mais voilà, ce Fra Vincenzo avait-il réellement vécu ? Sa mort n’était-elle pas une sombre légende ?

Malgré ces doutes, Perretti, à travers della Chiesa, affirmait que le religieux avait bel et bien existé et avait passé les dernières années de sa vie au sein du monastère de San Pietro, pas loin d’un village niché au cœur des Abruzzes.  

De plus en plus passionné et intrigué par ce qu’il lisait, Franz ne put s’empêcher de faire un parallèle entre l’ouvrage de Perretti et la philosophie bouddhiste. Mais Giacomo allait encore plus loin. Avec l’honnêteté qui le caractérisait, le journaliste italien fournissait à ses lecteurs toutes les références concernant les œuvres du chevalier napolitain mort dans des circonstances tragiques. Ainsi, il était facile de vérifier à la fois les propos du philosophe ainsi que ceux de son prédécesseur.

Bien évidemment, émoustillé par cette première lecture, Von Hauerstadt se hâta d’obtenir quelques livres de della Chiesa. Ce dernier affirmait avec force que sa démonstration provenait du rapport rédigé par l’Inquisition lors de l’interrogatoire du moine hérétique Fra Vincenzo.

Pour les historiens traquant quelques erreurs éventuelles des rédacteurs, il est nécessaire de savoir que nous ne faisons nullement allusion à l’inquisition italienne créée en 1542, mais, bien sûr, à l’officialité où l’évêque délègue son pouvoir à un official, dominicain le plus souvent. Cet homme est, dans ce cas précis, chargé de préserver l’orthodoxie de la foi catholique.

Mais revenons aux lectures du jeune duc. Il ressortait de tous ces écrits que le Napolitain vivant au XVIIIe siècle aurait donc redécouvert, par l’intermédiaire du malheureux frère Vincenzo, sans avoir de lien visible ou connu avec l’Asie, les principes émis depuis un peu plus d’un millier d’années en Chine et au Tibet.

De plus en plus étrange, n’est-ce pas ?

Mais Otto était enfin de retour aux States. Avec ses amis Mac Garnett et Von Hauerstadt, il en resta sur les conclusions émises précédemment à propos du mystérieux cube.

Un vendredi soir, l’ex-baron se rendit chez Stephen avec l’envie de lui confier ses espoirs quant à l’éventualité d’une paix prochaine entre les deux Grands et non à cette espèce de rivalité qui les voyait renforcer une course absurde aux armements.

Or, Mac Garnett venait d’acheter un authentique automate copiste du XVIIIe siècle provenant d’un marchand qui donnait dans l’antiquaillerie. Ledit automate portait à sa ceinture de cuir un stylet finement ciselé. Mais, le poignard n’était manifestement pas du même siècle que le copiste. Il ressemblait plutôt à une lame sarrasine damasquinée du XIe siècle. 

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Franz, qui avait eu la même idée qu’Otto, se retrouva lui aussi chez Stephen Mac Garnett. Dès qu’il vit l’automate, il reconnut immédiatement la créature mécanique, ayant lu sa description détaillée dans l’un des ouvrages du journaliste Perretti.

- Cher Stephen, commença le duc, comment vous êtes-vous procuré ce copiste ?

- Oh ! C’est toute une histoire, souffla l’archéologue.

- Raconte-nous-la donc, reprit Otto tout en se servant un doigt de Brandy comme s’il était chez lui.

- Hem, poursuivit Franz, assurément, il s’agit là de l’automate si bien décrit par le journaliste italien Perretti. Donc, il a appartenu au chevalier della Chiesa. Ce dernier en était le créateur, le concepteur.

- Bigre, Franz ! s’exclama Stephen. Vous semblez en savoir plus que moi sur ce bonhomme mécanique.

- Ecoute, mon ami, s’impatienta l’ex-baron. Ne nous fais pas languir davantage et dis-nous tout.

- Bon, je m’explique, sourit Mac Garnett se servant à son tour un verre de Brandy. Voilà. C’est un de mes sponsors qui m’en a fait cadeau. Du moins m’a-t-il suggéré de l’acheter.

- Ce sponsor, nous donneras-tu son nom ? Emit Otto avec un sourire désabusé.

- Pas vraiment. Il est PDG d’une importante firme agro-alimentaire. Il avait lui-même acquis l’automate après de longues tractations sur les biens somptuaires d’un émir arabe qui connaissait quelques ennuis financiers. Aux dires de mon sponsor, le prince aurait côtoyé jadis Lawrence d’Arabie en personne. 

 Thomas Edward Lawrence

- Intéressant. Mais comment ce copiste a-t-il donc atterri dans l’ex-Empire ottoman ? Questionna Franz en finissant son thé à la bergamote.

- En fait, l’automate a été découvert en 1917, dans l’Irak actuel, dans un village. Un officier britannique l’avait remarqué dans l’arrière-boutique d’un marchand qui vendait de tout. Des paniers en osier aux fausses statues grecques. Vous voyez le genre…

- Fort bien, ricana Otto.

- Le militaire en fit l’acquisition avec un manuscrit gothique qui aurait été rédigé par un religieux italien de la fin du Moyen Âge, un… dénommé Fra Vin…

- Fra Vincenzo ? acheva Franz.

- Oui, c’est cela, acquiesça Stephen.

- Surprenant. Ce manuscrit, qu’est-il devenu ?

- Ah ! Mon ami le PDG s’est empressé d’en faire don à un monastère, le monastère de San Pietro, d’où le moine Vincenzo aurait été originaire, Franz, répondit l’archéologue.

- Tiens donc ! Pourquoi ne suis-je pas surpris ? Un jour ou l’autre, je devrai me rendre là-bas afin d’avoir cet ouvrage sous les yeux.

- Hum, soupira Otto. Donc, à ton tour, tu as acheté cette mécanique, Stephen.

- Comment dire ? Je me suis senti obligé de le faire… mon bienfaiteur m’a poussé à l’acquérir… de toute manière, j’aime le bric-à-brac, non ?

- Il est vrai que tu te montres assez éclectique dans tes goûts. En témoigne la décoration de ce salon, ironisa l’ex-baron.

Effectivement, la pièce se trouvait encombrée par des tas d’objets disparates. Cela allait de statuettes de la XVIIIe dynastie des pharaons égyptiens aux bréviaires ottoniens, d’armures de samouraï du XVIe siècle aux croix celtiques de la Bretagne ancienne, et ainsi de suite…

Franz von Hauerstadt ne parviendrait à consulter le manuscrit de Fra Vincenzo qu’en 1956, d’autres problèmes plus urgents l’occupant jusque-là.

 

*****

 

Justement, parmi les affaires qui requirent toute l’attention du jeune duc, il en fut une qui l’attrista profondément et sincèrement. Raoul d’Arminville se pointa un soir, vers dix heures, alors que le mois de juillet 1954 touchait à sa fin. Le vieil homme apparut très fatigué à tous les Von Hauerstadt.

Elisabeth comprit ce qui amenait l’ancien aventurier.

- Oui, ma petite bru de la main gauche, marmonna le vieillard. Je suis mourant. 

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- Oh ! Ne dites pas cela, se récria Lisbeth.

- Le médecin ne me donne pas deux mois à vivre.

- De quel mal souffrez-vous ? Avez-vous vu des spécialistes ? s’enquit Franz à son tour.

- Les meilleurs, s’empressa de répondre Raoul d’une voix éteinte.

- Ah ! Permettez-moi d’en douter. Dès demain, je vous conduis chez le meilleur des oncologues, monsieur.

- Oncologues, mon petit ?

- N’êtes-vous pas atteint d’un cancer, monsieur ?

- Tu supposes donc que je souffre d’un cancer du poumon, Franz ?

- Euh oui, balbutia Von Hauerstadt gêné. Ce n’est pas le cas ?

- Pas du tout… en fait, cette vieille machine n’en peut plus, voilà tout… j’arrive au bout de ma route. Je n’ai plus envie de vivre, tout simplement. Plus rien ne m’intéresse…

- Mais non ! se récria Elisabeth.

- Ma belle-fille, je suis venu passer les derniers jours d’une existence qui me pèse parmi vous, auprès de la seule famille qui me reste…

- Vous avez besoin d’affection. Je vous comprends, monsieur d’Arminville.

- Non, ma chère, vous ne me comprenez pas. Vous êtes encore jeune, ma mie. A ma connaissance, vous n’avez pas encore trente ans.

- Euh… vingt-huit ans précisément, compléta Elisabeth.

- Donc, vous ne pouvez pas vous mettre à ma place, ma petite.

- Monsieur, vous êtes las de vivre, plus rien ne vous intéresse.

- Effectivement, mon garçon.

- Si je trouvais le moyen de vous rendre le goût de vivre ?

- Comment ? Je ne suis plus qu’un vieillard. J’atteins l’octantaine, Franz. Je suis né peu après la guerre contre la Prusse. Lorsque je vis le jour, la IIIe République était encore dans l’enfance. Il n’y avait pas encore d’automobiles et encore moins de machines volantes. Peux-tu imaginer cela ? Ce monde ? Les dames venaient à peine de quitter leurs crinolines encombrantes. Offenbach n’avait pas encore composé son chef-d’œuvre, Les Contes d’Hoffmann, ni d’ailleurs Bizet avec Carmen. Quant à Victor Hugo, il était vénéré comme un dieu par tout ce qui comptait à Paris. Les feux du IIe Empire étaient éteints et Adolphe Thiers avait quitté le pouvoir un an avant que je ne vienne au monde.

- Je vous connais, monsieur d’Arminville. L’aventure vous manque.

- Ma santé chancelante m’interdit désormais les émotions fortes, Franz.

- J’ai connu cela, juste avant de rencontrer Lisbeth. Je me pensais un homme fini, un mort en sursis.

- Mmm. Je vois. Je sais à quoi tu fais allusion, mon fils.

Franz préféra ne pas relever les derniers mots de Raoul d’Arminville. Cependant, il poursuivit.

- Je voulais encore garder cette nouvelle secrète, mais tant pis, soupira le jeune duc.

- Quelle nouvelle ? interrogea Elisabeth soudain intriguée.

- Celle-ci, répondit Von Hauerstadt en tendant une lettre sortie d’un tiroir à Raoul. Vous comprenez l’espagnol, je crois ?

- Oui, mon petit.

- Alors, lisez ceci.

Tandis que d’Arminville prenait connaissance d’une longue lettre provenant d’Argentine, Franz renseignait Elisabeth quant au contenu de la missive.

Après quelques minutes, ayant achevé, Raoul questionna Franz.

- En quoi suis-je concerné, mon garçon ?

- Je pensais que vous seriez intéressé par l’arrestation du capitaine Müller.

- Ah ! Ce capitaine-ci ? Ma foi… Mais vous n’avez toujours pas réussi à savoir où se cache Kulm, je me trompe ?

- Non. Il est introuvable.

- Je ne sais pas si j’aurais la force de vous accompagner en Argentine afin de voir cet assassin appréhendé par la police, commença Raoul.

- Monsieur Raoul, vous avez bien trouvé l’énergie de venir jusqu’ici, le contra Elisabeth avec un sourire désarmant. Alors, je crois que vous exagérez quelque peu votre fatigue.

- Euh… un peu, juste un chouia…

- Monsieur, je ne veux pas vous presser. La nuit porte conseil. Vous me donnerez votre réponse demain après un solide petit-déjeuner, jeta Franz avec un ton légèrement sarcastique.

- Ma foi, tu as raison, mon petit.

- Votre chambre est prête, fit Lisbeth. C’est celle qui donne sur le jardin.

- Une minute encore, ma bru… tous deux, ne pourriez-vous pas cesser de me donner du monsieur et m’appeler par mon… prénom ? Un peu comme un vieil oncle gâteau ?

- Oh ! Vous me reprochez de ne pas user d’un ton plus familier, plus intime…

- Oui, Franz…

- Jamais je n’ai tutoyé mon père officiel, vous savez… ni mère d’ailleurs.

- Hum ! Foutue noblesse et ses fichus codes de savoir-vivre ! grommela Raoul d’Arminville en se levant du fauteuil confortable sur lequel il était assis.

- D’accord. Je conserve le vouvoiement mais, désormais, vous serez Raoul, opina Franz avec un léger sourire.

- Ah ! C’est déjà mieux, mon cher enfant.

Alors que le jeune duc proposait de l’aider à monter à l’étage et de l’installer dans sa chambre, poliment d’Arminville refusa. Ce fut d’un pas nettement plus alerte qu’il gagna le petit appartement que Lisbeth avait fait préparer pour lui. Il était composé d’un minuscule salon, d’une salle de bains et d’une chambre meublée en authentique style Restauration. Le tout avec des lithographies de Daumier accrochées aux murs.

- Alors, Lisbeth, qu’en penses-tu ?

- Rien. Il a obtenu ce qu’il voulait ce madré Normand.

- C’est aussi ce que je me disais, soupira Franz.

- Ce n’est pas à quatre-vingt ans qu’il va changer, mon chéri.

Ce furent sur ces mots que les Von Hauerstadt décidèrent qu’il était temps d’aller dormir. Au fait, le chat Sonntag ronflotait doucement sur le couvre-lit de Cécile. Il n’avait ouvert un œil que brièvement lorsque Raoul s’était pointé, puis, le félin avait plongé une nouvelle fois dans un sommeil profond. 

 

Chat bicolore  


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