Un goût d'éternité 6e partie : Otto : 1946 (6).

 

Or, pendant ce temps, à New York, Johann van der Zelden en personne rencontrait le bonhomme Sébastien et ce, dans le plus grand secret, dans une rue sordide du Bronx. Notre richissime homme d’affaires avait effectué le déplacement dans le temps juste au tout début de la Guerre froide car il tenait à voir ledit Sébastien en chair et en os. Ce voyage lui apportait un dérivatif bienvenu et l’Ennemi jouait à entrer dans la peau d’un de ces individus douteux entrevus dans les films noirs, les thrillers américains de cette époque. Pour se fondre au mieux dans le paysage, Johann avait enfilé avec la plus grande satisfaction un imper mastic garanti années 40 et il avait pris soin à se coiffer d’un chapeau mou du meilleur effet. 

Humphrey Bogart 1940.jpg

Aux yeux de son naïf interlocuteur, van der Zelden n’était autre qu’un agent du FBI ou de la toute nouvelle CIA.

La rencontre se déroula à bord d’une de Soto couleur crème, un lourd et encombrant véhicule d’époque.

- Otto von Möll, insistait le pseudo agent, est en réalité manipulé pa les Soviétiques. Je suppose que vous les détestez tout autant que notre cher Président Truman ?

- Oui, bien sûr, opinait du chef Sébastien.

- Donc, mister von Möll n’est qu’un menteur, un faux patriote américain qui se pare des oripeaux de la vertu pour faire accroire qu’il est attaché aux States et à son régime de démocratie libérale.

- Il m’a jeté comme un malpropre, émit timidement le servile bonhomme.

- Oui, je sais déjà cela. Ce type a toujours professé des opinions communistes. C’est un Rouge de la plus belle eau. La preuve ? Son amitié avec les dénommés Belkovsky et Sinoïevsky. S’il ne s’agit pas là de trahison, de quoi s’agit-il alors ?

Le malheureux Sébastien était un être des plus crédules. Recruté par les Soviétiques, avec l’aval de van der Zelden, qui manipulait les êtres à travers le temps et l’espace avec une maestria toute consommée, le naïf personnage allait croire être embauché par les Américains.

- Monsieur, je vous ai déjà avoué mes sentiments concernant mister von Möll. Je ne l’ai jamais aimé. Dès que je l’ai vu, je me suis méfié de lui. Pour moi, il met en grand péril nos nobles valeurs occidentales.

Avec un sourire rusé, van der Zelden répliqua :

- Hélas, cher monsieur, il n’y a pas qu’Otto à jouer ici un double jeu ! par exemple, le sénateur Robert Fitzgerald York, qui le soutient, ne se rend pas compte à quel point il est trompé par son ami.

Ainsi, l’échange se poursuivit entre les deux hommes sur le même ton et Sébastien, le crédule, se retrouva définitivement agréé par Johann van der Zelden. Après plus d’une heure, Sébastien et le faux agent se séparèrent. Le bonhomme descendit de la vieille de Soto

 1941 De Soto Six Series S-8 Custom Coupé

 et s’engouffra dans la rue sordide mal éclairée alors que, sous la lueur jaunâtre des lampadaires, des flocons de neige tourbillonnaient pour finir par se poser sur la chaussée. Bientôt, il disparut aux yeux de l’Ennemi.

En parfait espion maître de ses nerfs, satisfait de son entrevue avec l’ex-majordome, Johann s’autorisa un petit extra. Sortant un cigare de son étui en or, il le fit d’abord craquer dans ses longs doigts avant de l’allumer. Il s’agissait d’un Churchill.

- Hum… voici une bonne chose de faite. Mais ne soyons pas en retard sur mon horaire, l’horaire de 1995, cela va de soi. A force de me balader dans le temps, je vais finir par m’embrouiller les idées et mes repères internes vont s’affoler.

Après avoir à son tour quitté l’automobile datée qui avait fait son office, reprenant sa marche d’un pas vif, et frissonnant sous la neige, oui, il faisait vraiment froid en cette nuit de janvier 1947 et le réchauffement climatique n’était alors pas même envisagé par les chercheurs, Johann poursuivait pour lui-même ses réflexions.

- Si je ne me trompe pas, Diubinov va bientôt expédier quelques jolis petits missiles bien mortels sur Baltimore. Echapperont-ils à Michaël ? Que cette neige est froide ! ID aurait dû me le dire que la température était aussi basse ! J’aurais pris la précaution de me vêtir plus chaudement. Une tempête se préparerait-elle ? Mais c’est que je risque un rhume, moi ! je viens d’un des étés les plus chauds de la décennie. Le choc thermique est terrible pour mon organisme. Dépêchons-nous donc.

Un peu plus tard, l’Ennemi retrouva son appartement douillet et high tech à la fois grâce aux moyens mis à sa disposition par le Commandeur Suprême. Avec soulagement, il se hâta de prendre un bain chaud.

 

*****

 

En ces mois de janvier et février 1947, la guerre civile faisait rage en Grèce parce que les communistes souhaitaient y prendre le pouvoir. Cependant, Staline, le tsar rouge, allait lâcher l’archipel conformément aux accords secrets de Yalta.

Le 16 janvier, Vincent Auriol,

 Illustration.

 un socialiste, était élu Président de la IV e République, tandis que Paul Ramadier

 Illustration.

 devenait Président du Conseil le 20 du même mois. Les communistes faisaient partie de la majorité et donc du gouvernement.

Toutefois, en Indochine, la situation militaire s’aggravait et les communistes français se séparaient des positions gouvernementales. Le 5 mai, la rupture inévitable eut lieu. Paul Ramadier les exclut du gouvernement. Ainsi, le PCF se retrouva dans l’opposition. C’était là le prix à payer pour la France afin de bénéficier de l’aide américaine présentée par le Secrétaire d’Etat, le général Marshall, un plan de redressement pour l’Europe qui, officiellement, était proposé à toute l’Europe, et ce, le 5 juin 1947.

Ledit plan, rejeté par l’URSS et ses six Etats satellites, enclencha aussitôt la Guerre froide.

 

*****

 

Toutefois, bien loin de ces préoccupations de géopolitique, Otto von Möll, accompagné par les von Hauerstadt, débarquait à Paris par un vol long-courrier en ce début d’avril 1947. L’avion se posa sur le tarmac de l’aéroport du Bourget

 

 avec à peine quinze minutes de retard sur l’horaire prévu. Tandis que l’avionneur récupérait ses bagages et se séparait de ses amis non sans avoir promis de les rejoindre dans trois jours chez les Malicourt, la petite famille gagnait tout d’abord un hôtel. Elisabeth désirait prendre un peu de repos et les deux jeunes enfants avaient également besoin de souffler. Cécile, pas tout à fait trois mois, dormait à poings fermés et François se montrait grognon, ce qui était rare chez lui, à cause du voyage. Quant à Sonntag, il jouait dans son porte-bagage avec une balle en caoutchouc.

Cependant, dès le lendemain matin, Franz avait loué une voiture, un Citroën 15

 Citroën Traction Avant

 et tout le monde roulait en direction de Malicourt. Le trajet fut nettement plus rapide que celui effectué en train omnibus l’année précédente. Lorsque les von Hauerstadt se pointèrent devant la grille de la propriété du comte, ils étaient attendus impatiemment par Gérald et Mathilde.

A peine les embrassades achevées, Mathilde s’écria :

- Qu’est-ce qu’il a grandi, ce garçon ! Bonjour François… Tu sais qui je suis ? Tu te rappelles de moi ?

- Oui, mamy… Tu es ma grand-maman…

- La Granny de ton père, plutôt… viens me faire encore la bise…

Sans rechigner, l’enfant obéit.

- Tu sens bon, mamy… la poudre de riz… et la rose…

-Mais c’est que tu parles très bien, maintenant…

- Oui, mamy… je sais parler… en anglais aussi.

- Bravo, François.

Quant à Gérald, il avait obtenu d’Elisabeth de prendre Cécile dans ses bras. L’œil humide, le vieillard marmonnait :

- Une petite Malicourt… une du sang d’Amélie… enfin… une blonde comme elle, j’espère ?

- Grand-père, elle est née blonde en tout cas, fit Lisbeth.

- Et ses yeux ? Bleus, je suppose ?

- Oui… mais elle dort. Ne la réveillez pas… Vous aurez tout le temps d’admirer la teinte myosotis de ceux-ci.

Un peu plus tard, Franz s’entretint avec Granny. Celle-ci le reçut dans ses appartements privés. Bien qu’elle fût heureuse de revoir son petit-fils prodigue, son visage était quelque peu assombri par les soucis.

- Inutile de te le cacher plus longtemps, Franz… tu as vu combien Gérald allait mal…

- Il perd la tête, c’est cela, Granny.

- Oui… il est frappé de démence sénile… l’âge l’a rattrapé. Et encore, aujourd’hui, il est dans un bon jour… il t’a reconnu… mais il croit que tu n’as que quinze ans…

- Je m’en suis rendu compte, grand-mère… naturellement, il n’existe aucun remède… cette démence est irréversible…

- Hélas, Franz…

- Pourra-t-il assister au baptême néanmoins ? Lisbeth et moi-même y tenons beaucoup.

- Je l’espère… merci de m’avoir choisie pour être la marraine de la petite Cécile, mon cher enfant.

- Euh… c’était tout naturel, Granny.

- Tiens, tu te rappelles ceci ?

- Euh… oui… c’est la photo que je vous avais donnée l’an passé.

- Tu peux la récupérer. Regarde. Je l’ai faite agrandir et je garde le nouveau cliché. Ici, sur ma table de chevet. Ne sont-ils pas magnifiques, tous les deux, Franz ? Ton frère et ta mère ?

- Bien sûr… mais, le photographe qui a effectué ce travail, n’a-t-il pas marqué son étonnement et sa désapprobation en voyant Peter ainsi vêtu ? Qu’a-t-il donc pu croire, grand-mère ?

- J’ai dû lui expliquer la situation, mon petit. D’ailleurs, c’est pourquoi cette photo se trouve dans ma chambre et non dans le salon. Je ne tiens pas à me fâcher avec mes visiteurs si bon Français, si excellents patriotes aujourd’hui, alors qu’hier, ils ne juraient au mieux que par le Maréchal ! Tu as vu l’attitude de Lucie l’an passé ainsi que celle de Raoul…

- Granny, comment dire ? Ils n’ont pas la conscience tranquille voilà tout… Alors, il faut bien qu’ils trouvent plus coupables qu’eux. Cela me remémore la déconvenue de monsieur Fontane… Gaspard Fontane… le maire, enfin l’ex-maire de Sainte-Marie-Les-Monts… Il a subi une défaite cuisante lors des élections municipales de 45… ses anciens administrés lui reprochaient son attitude des plus conciliantes envers Elisabeth et moi…

- Ah oui ? Il pourra toujours prendre sa revanche, Franz.

- Pourtant, monsieur Fontane avait donné de sa personne dans la Résistance, vous pouvez me croire…

- Je m’en doute. Pour en parler ainsi, tu l’admires encore…

- Je ne m’en cache pas, Granny.

- Mais, pour en revenir au baptême, tu comprends pourquoi j’ai refusé que ce soit ton grand-père qui officie en tant que parrain.

- Oui, j’ai vite saisi. Mais cela a permis à Otto, mon employeur et ami, de venir enfin en France. Au fait, je dois vous dire que son français est… folklorique…

- D’accord. Il use d’expressions américaines, c’est cela ?

- Il a appris le français dans son jeune âge, auprès d’une gouvernante prénommée Cécile justement… c’est ce détail qui a fait qu’il a accepté d’être le parrain de ma fille. Mais il a oublié la plupart de ses leçons, Granny.

- Je verrai à ne pas me moquer de ses tournures de phrases, Franz… je ferai attention, promis.

- Merci, grand-mère.

- A propos… je te félicite pour François. Il s’exprime couramment en français maintenant.

-Je n’y ai aucun mérite. Lisbeth s’en occupe désormais… je travaille dans le bureau de la recherche et du développement chez Otto. Il dirige une firme aéronautique.

- Mais tu continues tes leçons d’allemand auprès de François, non ?

- Oui… on ne sait jamais…

- Donc, tu espères toujours pouvoir revoir l’Allemagne, mon garçon…

- Oui, évidemment. Mais vous désapprouvez, Granny.

- Non… je regrette que tu ne sois pas né français, voilà tout. Au fond de toi, tu te sens encore allemand…

- Mon passeport dit que je suis Allemand, grand-mère…

- Hem… je n’insiste pas… quand monsieur Möll doit-il se joindre à nous ?

- Après-demain… il a tenu à visiter Paris, Versailles, la Tour Eiffel et Montmartre… son père Waldemar s’était rendu dans la capitale française alors qu’il était adolescent… pour l’Exposition de 1889, je crois bien…  

- J’aurais juste le temps de lui expliquer ce qu’il faudra faire lors de la cérémonie du baptême, Franz.

- Granny, ne vous inquiétez pas. Si Otto éprouve quelques difficultés à s’exprimer en français, toutefois, il comprend très bien la langue.

- Il manque de pratique…

- Exactement.

- Chez lui, dans l’intimité, il s’exprime en allemand ?

- Oh non ! En anglais… il refuse de parler sa langue maternelle…

- A cause des nazis…

- Oui, Granny… à cause du passé.

- Franz… cet Otto me plaît déjà… oui, il me plaît beaucoup… je me montrerai une parfaite maîtresse de maison auprès de lui… je veillerai à le placer à mes côtés lors du repas qui suivra le baptême… de plus, j’ai cru comprendre qu’il avait des ascendances nobles…

- En effet… mais il a renoncé et à son titre de baron et à la particule…

- Tant pis, mon petit… toi, ne fais jamais pareille sottise, tu m’entends ? Tu es né von Hauerstadt, von Hauerstadt tu resteras…

- Grand-mère…

- Il n’y a pas de mais, Franz. J’ai accepté Elisabeth et sa roture, ne commence pas à vouloir te défaire de ton titre. François n’est pas de ton sang, certes, mais il ne doit jamais le savoir. Enregistré, mon garçon ?

- Oui, Granny, se soumit le fils d’Amélie.

« Décidément, Mathilde de Malicourt vit dans le passé… il n’y a pas que Gérald à se croire au temps jadis », pensait le duc von Hauerstadt avec raison. « J’ai eu bien raison de ne pas leur révéler le terrible secret de mère… ».

 

*****

 

Otto von Möll fut reçu tel un roi par Mathilde de Malicourt. Lorsqu’il se présenta au château, il s’inclina profondément devant la comtesse en titre et lui fit un compliment tourné à l’ancienne, du moins le croyait-il. 

 Image illustrative de l’article Château de Cheverny

- Madame la comtesse, j’enchante de voir comment si bien allez vous…

Se retenant de ne pas rire, Granny sourit et répondit en s’inclinant, daignant tendre la main à son hôte.

- Moi aussi, monsieur Möll. Moi aussi, je suis ravie de vous connaître enfin. Mon petit-fils ne tarit pas d’éloges vous concernant.

- Ah ? Je ne sais comment… la chose dire… prendre…

- Ne dites rien et suivez-moi. Je vais vous conduire à votre chambre. Vous pourrez ainsi vous rafraîchir un peu et ensuite, nous pourrons discuter tous les deux de la cérémonie du baptême de Cécile.

- Merci, madame la comtesse. Grandement j’ai envie de faire toilette quelque brin.

Toujours aussi aimable, Amélie mena Otto jusque dans la suite qu’elle lui avait réservée, une belle chambre avec une salle d’eau attenant dans l’aile sud de la propriété. Le tout n’était pas en ruines et les canalisations fonctionnaient sans émettre un râle à chaque utilisation.

Une poignée de minutes plus tard, installé, l’avionneur prit ses marques et ses repères. Il avait déposé ses bagages dans la vaste armoire dont la pièce était munie, s’était rasé et, maintenant, essayait de retrouver von Hauerstadt dans les corridors sans fin du château. Alors qu’il errait dans un couloir, n’osant encore descendre rejoindre Mathilde, il vit Elisabeth cherchant le chat Sonntag. En effet, le félin, craintif à la suite de la présence des deux chiens des Malicourt, s’était encore planqué quelque part. 

 Chat bicolore

- Madame ! S’écria Otto. Elisabeth ?

- Was wollen Sie bitte ? Ah… c’est vous, monsieur Möll. Je suis soulagée de vous retrouver. Je finissais par croire que vous vous étiez perdu en chemin. Mais, manifestement, ce n’est pas le cas, poursuivit la jeune femme en allemand.

Comme on le voit, madame la duchesse avait fait de grands progrès dans la langue de Fichte. Elle s’exprimait avec une aisance remarquable avec, en prime, un délicieux accent français. L’ex-baron lui répondit en anglais.

- Non… je ne me suis pas perdu. Seulement, le train avait du retard. Puis, j’ai eu du mal à me faire comprendre du chauffeur de taxi. Il m’avait d’abord conduit au village. C’est ensuite qu’il m’a mené chez les grands-parents de votre mari.

- Euh… monsieur Möll, c’est normal… le village de Malicourt doit son nom à la famille de Franz. Mais, venez. Mon cher époux vous attend dans le fumoir. Non pas qu’il s’adonne à ce vice, mais cette pièce est retirée et il a tout le loisir de s’exercer sur son violon, fit Lisbeth en français.

Une poignée de minutes plus tard, Otto et Franz se saluaient. Effectivement, le jeune duc était en train de monter une gamme – celle en mi bémol majeur – avant d’entamer l’étude d’un concerto, celui de Mendelssohn.

 Description de cette image, également commentée ci-après

 Sonntag, quant à lui, était allongé sur une vieille écharpe en soie, de teinte bordeaux, qui servait à protéger le vieil instrument de l’humidité et des variations de température. Sur un pupitre, reposait ladite partition du concerto retravaillé.

A la vue de son ami, Franz abandonna son violon et s’en vint serrer la main d’Otto.

- Ah ! Otto… enfin. Vous avez effectué un bon voyage ? Demanda von Hauerstadt en anglais.

- A peu près. Puis-je m’asseoir ? Je suis vanné.

- Il y a un bar dans la pièce à côté. Puis-je vous servir quelque chose ?

- Hem… C’est un peu tôt pour savourer un verre d’alcool. Une limonade ou de l’eau cela m’ira.

- Je vous apporte de quoi soulager votre soif, fit Lisbeth avec empressement.

Instinctivement, la jeune femme avait senti que les deux hommes désiraient rester seuls, du moins quelques minutes.

Tandis que von Hauerstadt remettait le violon dans son étui, Otto s’assit sur un fauteuil cannelé de style Louis XV. Ce meuble était authentique et remontait au règne de Louis-Le- Bien-Aimé.

- Merci d’être venu jusqu’ici, dit Franz en s’installant auprès de l’avionneur. Et merci encore d’avoir accepté de devenir le parrain de Cécile.

- Ce n’est rien, vraiment, Franz. En fait, je crois désormais le temps venu de vous avouer quelque chose… un secret…

- Un secret ? Concernant certaines recherches… non dicibles ?

- Pas exactement… non… je faisais allusion au secret de la famille des von Möll. Mais c’est délicat, vous savez…

- Alors, c’est moi qui vais me jeter à l’eau et commencer…

- Comment ? Je ne comprends pas, Franz.

- Je crois avoir une vague idée de ce que vous voulez me dire. Cela a à voir avec le temps… du moins, avec des voyageurs temporels, n’est-ce pas ?

- Diable ! Comment le savez-vous ? Vous l’avez déduit ? Compris ? Anticipé ?

- Au tout début de notre relation, vous m’aviez dit que le général Armstrong

 

 vous avait conseillé d’entrer en contact avec moi… or, il m’avait suggéré de vous écrire dès ma détention à Caen. Mais, en réalité, je connaissais déjà votre existence depuis un bon mois… oui, dès juin 44. Ainsi, avant même que l’idée n’ait germé dans le cerveau du général Kenneth Armstrong, je savais que nous devions nous rencontrer.

- Oui… mais, donnez-moi tous les détails, Franz.

- En juin 1944, lorsque je fus fait prisonnier par le groupe de résistants d’Elisabeth, je fis également mieux connaissance avec un dénommé Antoine Fargeau dont j’avais croisé plusieurs fois le chemin quelques temps auparavant. Lisbeth n’aime pas trop évoquer ces faits, les circonstances étranges de la mort de cet homme valeureux notamment. D’ailleurs, François se prénomme également Antoine en sa mémoire… je lui dois la vie… oui, exactement. Il s’est sacrifié pour me sauver. Il a pris la balle qui m’était destinée.

- Je connaissais ce fait… mais la suite ? Qu’a-t-elle de remarquable ?

- Eh bien, Antoine Fargeau venait du futur… de l’année 1993 plus précisément… il avait été missionné dans le passé par… Stephen Möll, votre petit-fils et par un certain Michaël Xidrù, un individu des plus étranges… le donneur d’ordres à ce que j’ai cru comprendre… avant de mourir, Antoine m’avait déclaré que le monde avait sombré dans la démence et que la guerre nucléaire faisait rage…

- Cette fichue guerre a donc fini par éclater ! Soupira Otto.

- Vous aussi, vous étiez au courant…

- Forcément, mais plutôt confusément, Franz… en effet, alors que j’étais encore enfant, mon petit-fils s’est pointé chez nous, dans la demeure familiale des von Möll, à Ravensburg… et ce n’était pas la première fois puisque mon père et mon grand-père étaient au mieux avec lui… pourtant, ce Stephen ne savait pas vraiment se conduire… il s’exprimait en… argot, en anglais abâtardi et il courtisait ostensiblement ma gouvernante, mademoiselle Grauillet. 

 

- Cécile Grauillet ?

- Oui, c’est cela, mon ami. Mais c’était son compagnon de voyage qui m’intriguait le plus… ce Michaël… c’est à lui que, finalement, je dois ma vocation de physicien… c’est grâce à ce mystérieux individu que j’ai rencontré Albert Einstein et, qu’en secret, je travaille sur un module capable de se déplacer dans le temps.

- Mais, pour l’heure, vous n’avez encore abouti à rien…

- Hélas ! Les équations sont si complexes… je ne possède pas les matériaux adéquats, les câbles, les fils, les calculateurs électroniques…

- Hum… je pense que vous devriez faire appel à un spécialiste de la physique quantique… et chercher à unifier au moins deux forces, celle de la gravitation avec celle de l’interaction faible…

- Que me dites-vous donc, Franz ? Vous aussi, vous avez réfléchi à ce problème ?

- Lors de mes loisirs… une chose est certaine, Otto. Nous étions destinés à nous rencontrer…

-Du moins, certains individus ont-ils tout fait pour que cela arrive…

-Peut-être parce que nous avons un destin à accomplir, que nous représentons une grande importance, insoupçonnée encore pour que, justement, l’humanité ait un futur…

- Ne serait-ce pas de l’orgueil de notre part ?

- Je ne le crois pas… toute existence a son utilité dans l’histoire humaine…

 

*****

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