Un goût d'éternité 5e partie : Elisabeth : 1944 avril (3).
6 Avril 1944. Aux alentours de midi, chez Fridin.
Tous les jeunes gens avaient été libérés. Ils avaient décidé
de se retrouver dans l’arrière-salle du bistrotier afin de faire le point. Seul
Antoine arborait un air décontracté au contraire de ses amis qui avaient eu la
frousse de leur vie. Quant à Marc, il affichait une mine contrariée et on
sentait qu’il bouillait de colère.
Pour l’heure, attablés devant un verre de bière ou de
limonade, les jeunes gens discutaient ferme, écoutant Elisabeth raconter les
circonstances qui avaient permis à tous d’avoir été relâchés.
- Bravo, Elisabeth, jeta Antoine. Je n’en attendais pas moins
de vous !
- Que voulez-vous dire ? Marmonna l’adolescente.
- Rien de plus. Vous avez su faire preuve du plus admirable
des sang-froid. Alors, je vous félicite pour votre présence d’esprit… Nous vous
devons peut-être la vie…
- Hum… toussota Marc… depuis notre délivrance, un tas de
questions m’assaille. Depuis que le lieutenant-colonel a pris ses fonctions, tu
te conduis de manière bizarre.
- Tu trouves ?
- Oh oui ! Premièrement, peu avant l’arrivée de
Hauerstadt, tu étais nerveux au possible… comme si tu craignais… je ne sais
pas…
- Tu racontes n’importe quoi, Marc.
- Puis, le soir même de sa venue dans la région, voilà que tu
te proposes d’accompagner Elisabeth jusqu’à la ferme de mon père et de la
ramener chez elle.
- Il n’y a là rien que de très normal.
- Sauf que le Fernand qui s’était fait porter pâle à la gendarmerie
et qui a dû ainsi être remplacé par monsieur Granier n’était pas malade du
tout… il a fini par m’avouer que tu lui avais refiler cent francs pour qu’il
reste chez lui…
- Fernand est un fieffé menteur.
- Mais ce n’est pas tout… ensuite, ce même soir, voilà que
tous les deux vous tombez sur ce Franz von Hauerstadt déguisé en simple
sergent… comme par hasard, tu avais crevé un pneu et tu n’avais ni pompe ni
rustine…
- La faute à pas de chance.
- Admettons… mais dix jours plus tard, lors de notre petite
nouba, hop ! Nouvel incident… ta musique américaine nous attire
l’attention de la patrouille SS. Traînés à la Kommandantur, Elisabeth est
questionnée par le lieutenant-colonel mais pas nous…
- Que sous-entends-tu par-là, mon vieux ?
- Que tu avais anticipé le coup… mieux… que tu l’avais
préparé… provoqué…
- C’est le grand n’importe quoi… Tu veux dire qu’il
s’agissait d’un coup monté ? Que j’avais prévu que l’Allemand allait avoir
un malaise cardiaque et qu’Elisabeth allait devoir se métamorphoser en
infirmière ?
- Oui, c’est cela.
- Mais ça ne va pas bien dans ta tête, Marc !
- Euh… grommela Léon, Marc a raison. Il y a eu bien trop de
coïncidences en quinze jours.
- Pff ! Je n’y crois pas, souffla Noël.
- A quoi ?
- Marc, la synchronicité, cela existe…
- Encore ta façon étrange de parler, Antoine… mais revenons
sur la clé majeure du problème Les disques…
- Ben… Quoi ?
- Où te les es-tu procurés ?
- Il y a longtemps que je les avais…
- Longtemps ? Comment longtemps ?
- Depuis… Paris…
- Tu t’enfonces, Antoine… ce que tu avances est proprement
impossible… le disque de Glenn Miller avait un copyright… tu ne pouvais pas
posséder ce disque en 1936 ou 37, mon vieux… l’enregistrement datant de 1940…
alors…
- Explique-toi, Antoine, jeta durement Bernard.
- Je ne le peux pas.
- Pourquoi ? Siffla André.
- Vous ne pourrez pas me croire, voilà pourquoi.
- Essaye quand même, ordonna le médecin. Est-ce que tout cela a un rapport avec les
anomalies que j’avais déjà constatées en ce qui te concerne ? Tes
connaissances en radio, et autres bizarreries ?
- Euh… oui…
- Alors, vas-y. Crache le morceau.
- Comment commencer ?
Tout ce que j’ai fait, non pas depuis quinze jours mais bel et bien
depuis tantôt huit ans, c’est à propos de Franz von Hauerstadt. Voilà… tant
pis…
- Mais… ça ne tient pas la route ! Balbutia Léon.
- C’est tout à fait impossible d’anticiper à ce point-là,
grommela Marc.
- Mais si… à condition de disposer d’informations provenant
d’un excellent informateur, cela va de soi, reprit Antoine.
- Il y a huit ans, nous étions en 1936… Tu ne pouvais savoir
ce qui allait se passer. C’était alors le Front Populaire et tout ça… la guerre
semblait loin, marmonna André.
- Laissez-moi terminer… oui, toute cette histoire de disques,
mon vélo dont le pneu était à plat, c’était la combine que j’avais trouvée,
enfin, pas tout seul, pour entrer en contact avec Franz von Hauerstadt.
- Mmm, grommela Marc… il y a huit ans, tu ignorais jusqu’à
même l’existence de ce Boche.
- Pas tout à fait…
- Arrête ton char !
- Je vous avais pourtant mis en garde… je sais que c’est
difficile à croire…
- Euh… hasard Noël, tu viens de dire que quelqu’un d’autre
t’a aidé à mettre au point ce coup monté. Qui ? Nous le connaissons ?
- Pas de risque. Il ne vit pas ici, mais aux States…
- Ah. De mieux en mieux, siffla Léon.
- Oui, celui qui me conseille vit aux Etats-Unis, en
Californie, plus précisément.
- Devons-nous gober ce que tu nous jettes comme un os ?
Se fâcha Marc.
- Eh oh, les gars, vous ai-je trahis jusqu’à
aujourd’hui ? Vous ai-je fait défaut ? Non…
- En effet… dis-nous en plus…
- Ce que je suis autorisé à révéler… Hauerstadt est un homme
tout à fait exceptionnel… non pas pour le cours-ci de cette guerre mais pour ce
qui suivra.
- Tu ne peux pas le savoir.
- Je n’ai pas fini, Marc. Il était vital pour nous tous, pour
l’Europe et pour le Monde que nous prenions contact avec ce type…
- Malgré les risques que tu nous as faits encourir ? A
d’autres, Antoine ! Trouve d’autre gogos à qui tu peux faire avaler cette
connerie !
- Ces risques n’étaient rien à côté de l’importance du
lieutenant-colonel. Saviez-vous qu’il est diplômé non seulement de Berlin mais
également d’Oxford ?
- Pff ! En quoi ? En histoire ? En
littérature ? En droit nazi ? Ironisa André.
- Non… en physique quantique… en physique appliquée… il s’est
également penchée sur les possibilités offertes par les forces
électromagnétiques… une fois celles-ci cernées et dominées.
- Euh… Attends un peu,
là. Comment peux-tu le savoir ?
- Il a deux titres de docteur… et tout cela n’est qu’un
début… Il va reprendre ses études et ses recherches après la guerre…
- Oh ! Parfait ! Jeta Fontane sarcastique. Et il va
se mettre au service de qui, ce phénomène ? De ce salopard d’Hitler ?
Des Alliés ? Des Russes ?
- Des Américains. Plus précisément il va travailler auprès
d’Otto von Möll…
- Un nom de Boche, constata Noël.
- Quel bobard ! Décidément, tu nous prends pour de
sacrés idiots, s’énerva Léon.
- Otto von Möll… ce nom me dit quelque chose, avança
prudemment Bernard.
- Ah… il est vrai que tu as fréquenté des ingénieurs juste
avant la guerre.
- En aéronautique, oui. Ce von Möll a mis au point de petits
avions civils économes en essence…
- Bon… Ce détail prouve que je vous dis la vérité.
- Antoine, quel est ton secret ? Questionna Marc,
regardant droit dans les yeux son interlocuteur.
- Je ne suis pas un Alien, un extraterrestre, quoi… je suis
aussi humain que vous tous…
- On ne pensait pas à ça, pas du tout, lança Noël. On ne
croit pas une seconde aux écrits de H. G. Wells.
- Je ne dirais pas ça, réfléchit Marc… il y a un texte qui
pourrait coller… tu vois auquel je fais allusion, n’est-ce pas, Antoine ?
- Marc, je t’en prie…
- Oui, bon… si tu ne veux pas le dire, je m’en charge…
- Ah ! Maintenant, tu me crois…
- Je sais additionner deux et deux.
- Ce secret ne doit pas être éventé. Les conséquences en seraient
tout à fait désastreuses… pas simplement pour nous… je t’en prie…
- Tu viens de l’avenir, poursuivit le médecin en n’écoutant
pas les supplications et les arguments d’Antoine Fargeau…
- Crois ce que tu veux… je ne rajouterai rien de plus…
- Il en va de même pour ton informateur… où se situe-t-il en
aval par rapport à nous ?
- Je…
- Laisse-moi deviner… de la fin du XXIème siècle ? Du
XXXème siècle ?
- Inutile d’insister…
- Oh ! ça va… mais revenons à nos moutons… cet
Hauerstadt… pourquoi fallait-il qu’il fasse notre connaissance ?
- Marc, pardonne-moi mais tu vas prendre très mal la suite…
- Je ne suis plus à ça près… Je t’écoute…
- Le lieutenant-colonel éprouve dorénavant non seulement de
la reconnaissance envers Elisabeth, mais également de la sympathie.
- Normal, non… je lui ai sauvé la vie, lança la jeune fille
tout en finissant sa limonade.
- Alors, maintenant, il faut renforcer ces sentiments.
- Quoi ? Rugit Marc. Comment ? Bon sang ! Tu
fais un drôle de Machiavel, toi !
- Je demande juste qu’Elisabeth cultive son amitié. De toute
manière, Franz t’a demandé de venir chez toi de temps en temps… alors, persuade
ton père… et invite-le un de ces prochains jours. De plus, il n’y a que des
avantages à tirer de cette situation.
- Des avantages ? Tu plaisantes, Antoine !
- Mais non. Cet officier est une source d’informations de
première main.
- Ainsi, tu crois qu’il va tenir le crachoir devant Elisabeth
et lui révéler des secrets militaires ? A mon avis, tu te leurres.
- Ce n’est pas cela que je voulais dire… Bien sûr que,
personnellement, il ne dira rien… mais des poches, ça se fouille…
- Hauerstadt n’est pas le genre de mec à faire de pareilles
gaffes, asséna Léon.
- Il faut quand même essayer.
- Une minute, reprit Elisabeth avec ses intonations
juvéniles. Recevoir ce Boche chez moi, même en présence de mon père… tout le
village le saura… Que va-t-on penser de nous, les Granier ? Que va-t-on
dire de moi ?
- Ma petite, il faut ce qu’il faut.
- Ma petite ? Antoine, j’ai dix-huit ans et je ne suis
plus une enfant… Les gens vont croire que je suis… la maîtresse du colonel.
- Nécessité supérieure fait loi, Elisabeth.
- Euh… et moi ?
- Toi ? Sourit Fargeau. Serais-tu jaloux ? Ah…
j’oubliais que tu en pinçais pour mademoiselle Granier.
- Espèce de salaud ! Eructa le médecin.
- Silence, vous deux, ordonna André. Cela tourne au
vaudeville. En l’absence de notre ami Gaspard, c’est moi qui prends la décision.
- Tiens donc ! Pourquoi ? Se fâcha Marc.
- Parce que je suis le plus âgé, ici. Parce que, en ma
qualité d’instit, je suis à même de décider ce qui est nécessaire, vital ou
pas.
- Alors ? S’inquiétèrent tout à la fois Elisabeth et
Marc.
- Alors, Elisabeth se conformera aux suggestions d’Antoine…
nous devrons tous sortir gagnants de ce deal…
- Pas moyen de faire autrement ? Proféra l’adolescente
d’une voix timide.
- Non.
Ayant ainsi tranché, André commanda à Fridin une autre bière.
*****
Pendant ce temps, monsieur Raoul se trouvait à Alger. Reçu
par le chef de la France Libre, il lui proposait une aide financière
conséquente. Le général de Gaulle hésita un bref instant avant d’accepter.
- Oui, je ne puis refuser ce don, monsieur d’Arminville. Je
sais que vous êtes un bon patriote. Je connais vos hauts faits d’armes.
Longtemps, j’ai cru que vous vous étiez retiré en Normandie et que vous y
couliez enfin des jours paisibles.
- Mon général, cela ne m’était pas possible, convenez-en.
Voir mon pays souffrir, ma patrie trahie, il aurait été indécent de ma part de
ne pas essayer de rectifier le tir avec les faibles moyens dont je disposais,
répondit le septuagénaire avec son sourire ironique.
- Oui, je comprends très bien votre attitude, s’inclina le
grand homme. Une cigarette ?
- Non, merci. Ce vice m’a passé depuis quelques années.
- Racontez-moi donc un de vos derniers exploits. Je suis
curieux de voir jusqu’à quel point vous ne manquez pas de panache.
- Volontiers, mon général. Mais ce que qui est survenu le
mois dernier est plutôt à mettre sur le compte d’un de mes meilleurs
lieutenants, François Granier, Normand tout comme moi…
- Je vous écoute, monsieur d’Arminville, jeta de Gaulle tout
en tirant sur sa cigarette.
A cette époque, celui qui allait devenir le Premier Président
de la Vème République était encore un gros fumeur. Tout en fumant, il focalisa
tout son attention sur le récit de son interlocuteur.
Effectivement, François s’était illustré alors qu’il
parvenait à s’introduire dans la Kommandantur de Reims et à y saboter tout le
réseau téléphonique. Tout cela sous le couvert d’un employé des postes.
Habilement grimé, muni de faux papiers excellemment imités, le jeune résistant
ne fut pas même ni soupçonné ni inquiété pour ce tour. L’Occupant resta donc
dans l’impossibilité de communiquer avec les autres centres durant une longue
journée. Ce qui permit aux membres du réseau coiffé par Raoul de mettre la
pagaille dans le départ de cinq convois d’armements, de vivres et de déportés
vers l’Allemagne. Beaucoup de prisonniers purent s’évader, réchappant ainsi à
une mort quasi certaine.
Bravo donc pour François Granier, désormais aussi habile et
rusé que son mentor.
A l’issue de sa narration, Raoul d’Arminville, très détendu,
se frotta les mains de satisfaction. Le général ne pouvait qu’approuver les
actions menées.
- La France a besoin d’individus comme vous, comme vos amis,
monsieur d’Arminville. Après la Libération, il faudra reconstruire…
accepteriez-vous un poste à responsabilités ?
- Mon général, je suis fort honoré par votre proposition…
mais, j’ai l’habitude de rester dans l’ombre… je m’y sens plus à l’aise,
voyez-vous…
- L’anonymat ? Cela m’étonne de votre part…
- Disons que j’avais quelques ardoises non réglées avec la
IIIème République… alors, je préfèrerais rester discret…
- Je suis certain qu’une nouvelle République verra le jour et
succèdera au régime honni du maréchal, monsieur d’Arminville. Alors, il y aura
une place pour vous, pour les hommes de votre trempe.
- Personnellement, je suis contraint de décliner votre offre,
mon général… Je ne recherche ni la reconnaissance de mes concitoyens, ni les
honneurs. J’ai passé l’âge des hochets… mais… si votre proposition tente un de
mes aides, eh bien, je l’encouragerai à l’accepter.
- Une fin de non-recevoir ?
- Pas tout à fait…
- Soit… J’espère vous revoir… en Normandie ou à Paris.
- Moi de même, mon général.
L’entrevue terminée, Raoul se leva et salua militairement le
chef de la France Libre. La rencontre improbable entre les deux hommes ne
s’était cependant pas soldée par un échec mais par une admiration réciproque.
*****
22 Septembre 1993.
Johann van der Zelden offrait gracieusement à l’URSS la somme
conséquente de dix milliards de dollars. Ainsi, le complexe militaro-industriel
soviétique pourrait dorénavant financer un tout nouveau programme de lancements
de satellites nouvelle génération. Ces engins, beaucoup plus performants,
étaient capables de photographier avec une résolution d’une extrême précision
une simple allumette perdue dans un champ. Mais ce n’était pas tout. Ils
pouvaient localiser au décimètre près les positions des défenses ennemies, même
si celles-ci étaient camouflées, enterrées à trente mètres sous le sol. Malcolm
Drangston et Gregory Williamson avaient de quoi se faire du mouron.
Sur l’imposant meuble en acier chromé au centre de son
bureau, trônait, bien en vue, la photographie du grand-père de Johann, David
van der Zelden.
Le crépuscule enflammait le ciel newyorkais, le teintant de
pourpre et d’or. Le spectacle offert gratuitement par Dame Nature était
splendide. Seuls des peintres comme Whistler, Turner ou Monet auraient pu en
rendre la magnificence.
Confortablement installé dans son fauteuil en cuir noir,
l’Ennemi écrasa son cigare dans un lourd cendrier en cristal et se mit à parler
à haute voix.
- Tu vois, grand-père, je fais comme toi. J’arme les
Soviétiques… si tu avais pu apprendre la prudence… tu serais sans doute encore
en vie… et nous serions alors en train de discuter tous les deux, comme deux
amis, deux complices. Nous avons tant de choses en commun… mais, moi,
grand-père, je réchapperai à la mort… ne bénéficie-je pas d’une aide
supérieure ?
Puis, quittant son fauteuil profond, l’Ennemi ouvrit, à
l’aide d’une clef magnétique une console encastrée et dissimulée habilement
dans le meuble. Ensuite, il actionna quelques curseurs et alors, la salle de
réunion du Politburo lui apparut en trois dimensions ! Nicolaï Diubinov
était en train d’expliquer à ses collègues l’usage qui serait fait du don de
l’Américain.
Johann ricana.
- Ah ! Inénarrable camarade Nicolaï ! Tu ignores
que je puis t’espionner à loisir jusque dans tes bureaux et repaires les plus
secrets ! Tout cela a été rendu possible par les mini chronovisions
fournis par le Commandeur Suprême. Vive la haute technologie ! En matière
d’écoute et de captation de l’information, aucun service secret ne m’arrive à
la cheville. Out ce bon vieux James Bond et ses gadgets éculés. En fait, je
n’ignore rien de ce qui se passe sur la planète. Je manipule les humains, tous
les humains, comme s’ils n’étaient que de simples personnages découpés dans du
papier… des Paper Dolls…en quelque
sorte. Ah ! Tout se déroule selon les prévisions du Commandeur.
Maintenant, voyons ce qui se passe du côté de ce benêt de Drangston.
Johann poussa un autre curseur et le Pentagone remplaça le
Politburo sur l’écran.
- Gregory Williamson est là aussi… tentant de persuader notre
idiot national d’attaquer en premier… Mais Malcolm éprouve encore quelques
scrupules…
Tous les échanges entre le général en chef des forces
américaines, le Président américain, les autres hauts responsables militaires
et des agences de renseignements, furent écoutés par l’Ennemi qui, s’amusant,
souriait béatement devant tant de sottise.
*****
Même jour, un peu plus tard, Pentagone.
Gregory Williamson examinait les tout derniers plans
d’attaque nucléaire américains. Le général éprouvait une grande colère face à
la naïveté du chef des armées états-uniennes. Drangston s’était aplati devant
son homologue soviétique. En se comportant de la sorte, il mettait en danger
tout la stratégie et les chances du camp occidental de gagner le conflit. Ce
n’était plus tenable.
Alors, Gregory Williamson avait décidé d’une nouvelle
provocation à l’encontre des Soviétiques afin de justifier une contre-attaque
nucléaire américaine dans les plus brefs délais dans cette guerre qui prenait
de plus en plus un caractère mondial.
Le général en chef venait de trouver son prétexte. Cinq
sous-marins atomiques soi-disant non identifiés ne rôdaient-ils pas depuis
plusieurs jours près des côtes américaines ? la menace était donc tout à
fait réelle aux yeux de Williamson.
Or, Drangston, très loin de soupçonner ce que son général en
chef était en train de tramer, restait persuadé de la bonne foi de ce dernier.
Si les Etats-Unis étaient attaqués, lui n’aurait plus qu’à appuyer sur un
bouton…
*****
Printemps 1944.
Parallèlement aux événements en train de se dérouler dans le
futur, dans une autre sphère de temps pourtant inséparable de la fatidique
année 1993, le jeune Gregory Williamson tentait vainement de s’engager au sein
de l’US Navy. L’adolescent avait trafiqué ses papiers d’identité. Au bureau de
recrutement, il affirma qu’il avait dix-sept ans et demi et présenta au sergent
de service l’autorisation de sa mère qui l’autorisait à intégrer les forces
armées et à servir son pays, devançant ainsi l’appel de la conscription.
En réalité, le très jeune Gregory avait contrefait l’écriture
de sa mère. En fait, il n’avait que quatorze ans et cinq mois. Le sergent
recruteur ne fut pas dupe et renvoya le futur général dans ses foyers, flanqué
de deux MP.
Cette petite anecdote, révélatrice du caractère de Gregory
Williamson, n’allait pas rester sans conséquences pour l’avenir. La frustration
de ne point accomplir son devoir, alors que des milliers de jeunes compatriotes
perdaient la vie dans l’Océan Pacifique, allait déclencher chez l’adolescent un
traumatisme psychologique important. Alors, Gregory n’aurait plus en tête que
de démontrer au monde entier qu’il était ou serait le sauveur de l’Occident,
des valeurs américaines, le représentant élu pour incarner la Destinée
manifeste. Même si son rôle serait celui de boutefeu, le responsable d’une
apocalypse destructrice.
En marche vers la folie, la paranoïa de Williamson allait se
développer et prendre le chemin du non-retour. Or, aucun détecteur médical,
aucun test ne dénoncerait cet état de chose, ne décrypterait la maladie mentale
dont était désormais affecté Gregory. Négligence ? protection occulte
d’une Entité ?
*****
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